Marc Guillaume PERROT Afficher toutes les personnes portant le nom PERROT

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né le 12 juin 1834 à Ploufragan (22)
décédé le 4 février 1879 à Ploufragan (22) (âge : 44 ans et 7 mois)
Profession : laboureur
Fils de Pierre Augustin PERROT et de Hélène Marie RENOUARD



Conjoints :
Marie Aimée QUERANGAL DES ESSARTS ; Noyau familial Ascendants des conjoints mariés le 10 novembre 1869 à Ploufragan (22) Dans un livre "Causes criminelles et mondaines de 1882", on découvre les membres de cette branche de la famille Quérangal qui étaient devenusmisérablement célèbres :

Les derniers Quérangal

II - Procès de la soeur

Saint-Brieuc, 13 février

Après le frère, la soeur; le premier, meurtrier du mari de sa maîtresse, la seconde, si l'on en croit l'accusation, coupable de l'assassinat de son propre mari !

Les débats qui vont commencer seront autrement dramatiques que ceux qui viennent de se terminer. Nous verrons en présence, s'accusant peut-être, se menaçant, Aimée Quérangal des Essarts et sa mère, qui est détenue en ce moment pour vol dans la prison de Saint-Brieuc. C'est en effet à la suite d'une querelle entre ces deux femmes, vivant dans leur masure de Ploufragant, de vol et de maraude, que la justice a été saisie :

- Vieille femme chargée de crimes ! Criait Aimée Quérangal à sa mère. - Au moins, lui répondit la vieille femme, je n'ai pas tué mon mari, moi !

Et Aimé Quérangal des Essarts de reprendre :

- Si je l'ai tué, c'est vous qui en êtes cause, ma mère !

C'est sur cet entretien sinistre que l'attention du Parquet a été miseen éveil. L'information a été fort habilement menée par M. le juge d'instruction Fraboulet. Le cadavre du premier mari d'Aimée Quérangal, Marc Perrot, a été exhumé; voivi, brièvement, l'exposé de l'accusation :

Tombée, par suite des vices de sa mère, dans la gêne et dans la déconsidération publique, la dernière des Quérangal s'était trouvée trop heureuse d'épouser un paysan, Marc Perrot, fermier à Ploufragan. L'union n'avait pas été longue. La fille des châtealins de Ploufragan ne pouvait se résigner à la vie laborieuse et rude de la ferme. Aimée Quérangal prit des amants.

Perrot essaya vainement de défendre son honneur de mari. Il supplia safemme de lui rester fidèle, puis il la roua de coups; c'étaient des querelles interminables.

Au mois de janvier 1879, Aimé Quérangal des Essarts commença à raconter dans le village que la cervelle du pauvre garçon n'était point solide. Perrot divaguait, dit-elle; la nuit, il se levait tout droit sur son lit et il répétait des phrases sans suite. Perrot devint ainsi, dans lebourg, une sorte d'épouvantail; on le fuyait comme un lépreux; lui, essayait en vain de comprendre.

La nuit du 3 au 4 février, vers cinq heures, Aimée Quérangal des Essarts sortit brusquement de la ferme en appelant : "Au secours !". Elle était couverte de sang et elle raconta que son mari venait de se tirer uncoup de fusil dans son lit après avoir essayé de l'étrangler.

- Vers deux heures du matin, raconte-t-elle, Perrot l'avait éveillée brusquement et lui avait serré la gorge en criant qu'il allait en finir avec elle. Puis, tout à coup, changeant d'attitude, il s'était mis à fondre en larmes, à répâeter des paroles incompréhensibles, à gémir en semblant demander pardon. Un sommeil profond avaiat interrompu ce nouvel accès de folie. La jeune femme elle-même s'était endormie peu après. Vers quatre heures, une détonation l'avait râeveillée de nouveau. Elle vit alors son mari, râlant près d'elle, tout sanglant, le crâne ouvert. Il venait de se faire sauter la cervelle avec son fusil de chasse.

Le malheureux fermier fut enterré. On douta bien de la sincérité du récit que faisait la jeune veuve, mais l'enquête qui fut ébauchée alors, n'aboutit pas.

Deux années s'écoulèrent. Aimée Quérangal des Essarts épousa un nommé Roussel, son ancien amant. C'est seulement l'automne dernier que la querelle violente qui s'éleva entre Aimé Quérangal des Essarts et sa mère provoqua une instruction nouvelle. L'examen des restes de Marc Perrot apermis aux médecins légistes de conclure à un crime, malgré la date siéloignée du décès, et c'est dans ces conditions que la jeune femme estrenvoyée devant la cour d'assises.

Quand à la scène même du meurtre, il a été impossible de la reconstituer. Aimée Quérangal a-t-elle tiré le coup de fusil qui a tué son mari ?L'a-t-elle fait tirer par un complice ? La dernière hypotèse paraît laplus probable, et Aimée Quérangal comparaît devant le jury sous l'accusation, sinon d'avoir assassiné Perrot, du moins "d'avoir provoqué un inconnu au meurtre par des promesses, artifices, en lui donnant des instructions et des armes pour le commettre, et en l'assistant dans la perpétration du crime."

Cet inconnu, quel est-il ? Les débats vont-ils le révéler ? On peut tout attendre de la confrontation d'Aimée Quérangal des Essarts avec sa mère, car la vieille femme sait bien des choses, et elle hait sa fille autant que sa fille la hait.

14 février

Aimée Quérangal des Essarts a vingt-huit ans. Elle est grande et belle, le teint animé, l'oeil ardent, la poitrine opulente, ses cheveux bruns abattus en bandeaux lourds sous le bonnet élégant et riche, le bonnettuyauté aux brides relevées sur les oreilles que toutes les villageoises bretonnes, riches et pauvres, portent de Saint-Brieuc au pays de Tréguier. La dernière des Quérangal est la petite-fille naturelle de ce Quérangal des Essarts, receveur municipal à Saint-Brieuc, qui eut pour maîtresse la femme du bourreau.

Comme son frère Aimé, condamné pour meurtre du fermier Simon, elle estissue de ces amours sinistres. Ne semble-t-il pas qu'une fatalité poursuive cette famille déchue ?

La maison de Ploufragan, où la mère des deux accusés vivait comme dansun repaire, de vols et de brigandages alternant avec d'ignobles orgies, est à une lieue de Saint-Brieuc, sur la ligne de Paris à Brest. C'estune masure à tourelles décrépites, entourée de grands arbres, solitaire et désolé. Personne n'y vit plus : la vieille châtelaine est détenue pour vol, le fils est condamné aux travaux forcés à perpétuité, la fille comparaît devant la cour d'assise. Cette maison était connue dans le pays comme lieu de débauche. On l'appelait la maison de ... Mais je ne puis reproduire ce surnom par trop cru, et je me borne à dire qu'il signifiait - qu'on s'y amusait à l'aise. - La vieille mère Quérangal, encore belle, était la grande prêtresse des orgies.

J'arrive maintenant aux débats.

Rien de pittoresque comme une audience d'assises en Bretagne. Public pieusement attentif et recueilli : les hommes, avec les longs cheveux tombant sur les épaules, la veste ou l'habit à boutons dorés, le chapeau à larges bords orné de la ganse des dimanches; les femmes avec leurs grands bonnets à brides relevées qui leur donnent des airs de religieuses.

Aimée Quérangal paraît fort intelligente; son parler très correct et presque élégant a des intonations traînardes qui ne manquent pas d'une certaine harmonie. M. le procureur de la république du Breuil occupe le siège du parquet. Au banc de la défense, Me Rioche, du barreau de Saint-Brieuc. Sur la table des pièces à conviction, monté sur un pied, commeune poupée de modiste, le crâne de feu Perrot. C'est lugubre.

Par une innovation bizarre, il n'y a point d'interrogatoire. Les témoins sont immédiatement entendus. Le premier est le brigadier de gendarmerie Perneau, qui a constaté, il y a trois ans, le suicide du fermier dePloufragan. Le brigadier trouva la jeune veuve devant son foyer, les cheveux couverts de sang, pleurant à chaudes larmes; elle montra d'un geste, le lit où gisait le cadavre, un lit de Bretagne, haut, presque clos, ressemblant à une armoire. Perrot était étendu sur le dos, la nuque traversée par un coup de fusil. La balle était allée se loger dans le plafond. Il avait dû, d'après le récit de sa femme, placer le fusil entre ses jambes et tirer la gâchette avec son pied. Mais l'arme avait été déplacée par la mère Quérangal des Essarts qui était venue dans la matinée et qui, en femme forte, n'avait pas hésité à toucher au suicidé, cequ'on n'ose faire d'ordinaire dans les campagnes. Elle avait mis, pourainsi dire, Perrot au port d'armes, en lui plaçant le fusil près du bras droit, et il sembla au brigadier qu'on avait donné au mort une attitude bizarre, qu'on lui avait fait "une tête de suicidé".

Aimé Quérangal explique en pleurant que Perrot, qui avait depuis quelque temps des absences, l'avait éveillée brusquement la nuit précédente en lui serrant violemment le cou; puis, tout à coup, il lui avait demandé pardon; mais sa femme, suffoquée, perdit à ce moment connaissance; elle ne se réveilla que deux heures plus tard avec une sensation de brûlure: Perrot venait de se suicider et la bourre de son fusil avait mis feu aux draps. Aimée Quérangal, couverte du sang de son mari, attendit le jour avant d'oser sortir de sa maison.

La petite fille des époux Perrot, Emilie, qui couchait dans la chambre, raconta au brigadier qu'elle avait été éveillée vers quatre heures par le bruit d'une porte qu'on fermait violemment. Ce détail important nefrappa point le gendarme, qui conclut à un suicide. L'enfant est mortedepuis, et la justice a perdu là un précieux témoignage. On disait dans le bourg que Perrot avait le cerveau dérangé. Sa femme le répétait sans cesse, en racontant qu'il avait la manie d'apprendre à sa petite fille, âgée de six ans, à jouer aux dominos. La veille de sa mort, avant de se coucher, Perrot avait tenu à faire une dernière partie. Il avait perdu, et il avait donné un sou à l'enfant en lui disant : "Tiens, c'estla dernière fois que tu me gagnes." (Rires)

Aimée Quérangal des Essarts, interrogée sur la déposition du brigadier, refait d'une voix larmoyante le récit que l'on connaît; elle protestecontre ce propos qu'aurait tenu sa mère, qu'elle alla prévenir de l'événement : "C'est toi qui lui as fait son affaire, aurait dit la vieillefemme, ça devait lui arriver."

Sur une question du président, l'accusée déclare que toutes les portesde la maison étaient fermées à clef et au verrou; alors quel est ce bruit de porte que la petite fille, aujourd'hui morte, avait entendu ? Peut-être le complice inconnu qui avait aidé à "suicider" Perrot s'enfuyait. A ce moment, Aimée Quérangal avait fermé les portes et s'était couchée après s'être, diront les experts, serré et meurtri la gorge, pour faire croire que son mari avait voulu l'étrangler.

Le complice inconnu a passé et passe encore pour être un certain Yves Bévillon, jeune fermier, amant d'Aimée Quérangal, et mort aujourd'hui. La jeune femme, qui a aujourd'hui vingt-neuf ans, s'est remariée à un autre amant nommé Roussel.

M. Tetot, propriétaire, voisin de campagne de Perrot, dépose que ce dernier lui servait de régisseur. C'était un excellent garçon, doux, sobre, très probe. Mais il était devenu depuis peu tout à fait triste; il se plaignait de ce que sa femme, qui venait de faire un héritage de 25 000 francs, lui témoignât depuis un profond dédain. Elle le traitait comme un véritable chien.

Un gendarme, chargé d'un supplément d'enquête, fait un récit très pittoresque de l'emploi de la journéee qui suivit la mort de Perrot. La mère Quérangal des Essarts fit laver le cadavre; elle le rasa elle-même, en faisant toutes sortes de plaisanteries. Soudain elle vit arriver le médecin légiste : "Nous sommes tous fichus," s'écria-t-elle en regardantsa fille. Mais le médecin n'étant pas accompagné des gendarmes et n'ayant examiné que superficiellement le mort, et concluant à un suicide, la vieille femme salua son départ de cris joyeux. Elle recommença à rireet à danser devant le corps, "rigolant, blaguant," dit le gendarme, jusqu'au coup de l'Angélus où tout le monde se mit à genoux pour dire la prière des morts. La prière finie, tous les voisins qui y avaient assisté se retirèrent : "Eh bien ! Fit la vieille Quérangal, qui est-ce qui va rester à coucher avec la veuve de ce pauvre Perrot ?", Yves Bévillons'empressa de s'offrir. Mais cette proposition cynique fut repoussée.

Plusieurs témoins répètent le propos tenu par la mère Quérangal à sa fille : - Un jour, dit-elle, qu'Aimée la traitait de vieille chargée de crimes : "Au moins, répondit la vieille, moi, je n'ai pas tué mon mari." Et Aimée Quérangal repartit : "Si je l'ai tué, c'est à cause de vous." Quand Aimée Quérangal des Essarts se remaria à Roussel, la mère du nouvel époux fondit en larmes, et, s'adressant à sa belle-fille: "Tu vas lui faire comme à l'autre," dit-elle, et la jeune femme baissa les yeuxsans rien répondre. La pauvre petite Emilie Perrot, morte l'an passé, racontait à ses camarades, à l'école, que "maman ne dormait plus depuisqu'elle avait tué papa". L'accusée proteste.

On n'en finirait pas s'il fallait raconter toutes les scènes de lubricité auxquelles Aimée Quérangal des Essarts et sa mère, cette atroce mégère, ont pris part. Un témoin rapporte que le malheureux Perrot a été trompé dès le jour de ses noces? après le dîner nuptial, Aimée Quérangala prostitué sa robe de mariage, en se donnant à un amant derrière une meule de paille. Perrot, averti par des amis charitables, tint pour ainsi dire sa femme en laisse pendant le reste de la journée, ne lui permettant de danser qu'avec lui au bal de mariage et lui demandant le nom de ses amants, dont il n'a, paraît-il, jamais pu savoir le nombre. Les préférés d'Aimée Quérangal étaient deux gars robustes : Yves Bévillon, qui est mort, et Mathurin Roussel, avec qui elle s'est remariée.

L'accusée a raconté à un certain moment que son mari s'était tiré un coup de fusil parce qu'elle lui avait refusé ses faveurs le soir qui précéda sa mort. Elle est revenue depuis sur ce système, et elle persiste aujourd'hui à soutenir que le malheureux s'est tué pendant qu'elle dormait à ses côtés. M. le président Perussel rappelle de nouveau que la petite fille des époux a dû voir toute la scène du crime. On racontait dans le village que la mère avait paru tráes satisfaite de la mort de sonenfant, et on alla jusqu'à dire que cette mort n'était pas natuelle. Mais rien n'est venu confirmer cette nouvelle accusation portée contre Aimée Quérangal.

Au souvenir de sa petite fille, l'accusée manifeste toujours une grande émotion. Ses yeux se mouillent. Alors, M. le président la presse de question. - "L'enfant a tout vu, répète-t-il : il y a dans votre chambreune sorte de caveau, l'assassin devait être caché là, et cet assassin,le bruit public l'a nommé, c'était Yves Bévillon, votre amant de prédilection, aujourd'hui mort. C'est lui qui sortait, le crime commis, quand votre petite fille a entendu fermer la porte à le fin de la nuit."

- Non ! Répond énergiquement l'accusée, je suis innocente, et je n'ai ni tué ni fait tuer mon pauvre mari.

On comptait beaucoup sur la confrontation d'Aimée Quérangal des Essarts avec sa mère, la vieille et horrible routière de Ploufragan. L'effet de cette confrontation a été nul, la vieille femme, qui est entêtée comme dix bretonnes, ayant refusé à peu près de desserrer les dents. Si elle hait sa fille, avec laquelle elle a toujours vécu en mauvaise intelligence, elle juge, d'un autre côté, inutile d'éclairer la justice, dontelle n'a pas eu à se louer. Elle a cinquante ans, mais elle est encoreassez agréable et garde les traces d'une grande beauté. L'oeil bleu est malin et très moblie. Elle s'installe avec aisance au banc des témoins, étale coquettement sa robe bleu sombre, qui forme avec son grand châle brun-rouge le costume de la rpison, et croise ses mains fines dans l'attitude d'une femme qui ne dira rien et qui n'écoute même pas. Aimée Quérangal regarde sa mère sans émotion. D : - Qu'est-ce que vous savez ? demande le président à la veuve Quérangal. R : - Rien. D : - Comment Perrot, votre gendre, est-il mort ? R : - Vous le savez bien, il s'est tiré un coup de fusil. Il était tout drôle depuis que ma fille avait fait un héritage de 25 000 francs dont il voulait sa part. D : - Votre fille ne vous a rien révélé sur le drame qui s'est passé la nuit du suicide ou de l'assassinat ? R : - Elle m'a dit que son mari avait voulu l'étrangler, puis qu'elle avait perdu connaissance et que c'était pendant son évanouïssement qu'il s'était tué. D : - N'avez-vous pas donné au corps l'attitude d'un suicidé ? R : - Du tout, je n'y ai pas touché. D : - Quand le docteur est venu, vous étiez occupée à laver le cadavre; ne vous êtes-vous pas écriée : "Nous sommes tous perdus !" ? R : - (Pas deréponse.) D : - N'avez-vous pas, le médecin parti, plaisanté et ri autour du cadavre ? R : - (Même silence.)

Il est évident que la vieille femme ne dira plus rien; elle se retire en saluant la Cour très gravement, et on la ramène à la prison, où ellesubit une peine pour des vols variés.

Aimé Quérangal des Essarts, le condamné aux travaux forcés à perpétuité de samedi, est amené après sa mère. Il est tout de noir vétu et il a tout à fait le type du villageois riche endimanché. A la vue de sa soeur, ses yeux se mouillent de larmes, et l'on voit tout de suite que lui aussi ne dira rien. Il se brone en effet à soutenir que, pour lui, Perrot s'est sucidé et que son beau-frère avait le cerveau détraqué.

Le reste de l'audiance est consacrée à l'audition de nombreux voisins,et le président retourne en tous sens ces témoins obstinés. S'ils savent bien des choses, ils ne veulent rein dire. Les Quérangal inspirent dans le pays une réelle terreur, et le paysan toujours prudent a peur deles voir revenir les uns ou les autres.

Une sorte de légende sinistre s'est faite autour de cette affaire. Tous ceux qui auraient pu parler de la mort de Perrot, tous ceux qui ont dû être mêlés au drame sont morts successivement; la petite fille de l'accusée, qui avait entendu sortir l'assassin, et le jeune Bévillon lui-même, l'amant d'Aimée Quérangal, qui est peut-être le coupable et qui, d'après l'accusation, devait être caché dans la chambre la nuit du crime. Ces deux morts sont-elles naturelles ?

Il a été impossible d'établir le contraire; mais les gens de Ploufragan en ont été vivement impressionnés; au reste, la réputation sinistre des Quérangal date de loin. Il est à peu près certain que le bourreau deSaint-Brieuc, dont la femme avait pour amant le grand-père des accusés, est mort empoisonné; également empoisonné le mari d'une autre maîtresse de ce vieux satyre, qui a peuplé le pays d'enfants natuels. Ces morts remontent à 1835; on les a attribuées à des empoisonnements par l'arsenic. Des instructions ont même été ouvertes, mais elles n'ont pas abouti. C'est seulement lors du procès de madame Lafarge que devait être utilisé en justice l'appareil de Marsh, qui permet de retrouver les traces d'arsenic dans l'organisme humain.

La déposition la plus amusante est celle d'un nommé Cardinal, ami intime de Perrot. Ce dernier se savait trompé, il avait même voulu mettre Cardinal à la piste des galants de sa femme, et il soupçonnait qu'on faisait chez lui des noces au champagne quand il n'était pas là. Le pauvregarçon ne pouvait se consoler de voir passer à ces orgies les 25 000 francs dont sa femme avait hérité, et d'être repoussé par elle. Il voulait emmener ses enfants, fuir, et il répétait qu'il ferait bien de se presser, car, sûrement, on le trouverait assassiné une nuit, s'il tardaità se mettre à l'abri de la haine de sa femme.

La soeur de Perrot, morte aussi depuis, avait également prédit l'assassinat de son frère. On a cru longtemps que Cardinal en savait beaucoup plus long. Le jour de l'enterrement de son ami Perrot, il menaçait d'envoyer toute la famille Quâerangal aux galères, mais il a expliqué que ce jour-là il ne savait ce qu'il faisait, s'étant grisé comme tous les amis du défunt à l'occasion de l'enterrement. (Hilarité.)

15 février

L'audience se traine à travers les témoignages de cinquante commères qui racontent en rechignant des potins sans consistance. Il est certain que personne n'a cru au suicide de feu Perrot. Lui-même avait des pressentiments sinistres et savait ses jours comptés. Après la mort de son gendre, la vieille mère Quérangal se brouilla avec sa fille, qui lui refusait de l'argent pour boire. Mais sans doute l'horrible mégère trouva ailleurs des subsides, car on la rencontrait ivre presque tous les soirs et, quand elle était grise, elle parlait d'Aimée en termes menaçants.

Un jour, elle lui tint ce propos expressif : "Le pauvre Marc Perrot a été bien malheureux que tu aies hérité : il était vieux et laid, tu as voulu t'en payer un jeune."

Le jour des secondes noces d'Aimée, auxquelles on ne l'avait pas invitée et qu'elle qualifiait de "noces d'assassins", la vieille femme trouva moyen de rejoindre sa fille au bal et elle lui dit en ricanant : " Tevoilà avec un mari neuf; seulement, il sera plus dur à tuer que l'autre." Il est fâcheux que la mère Quérangal des Essarts, mécontente des juges de son pays, n'ait plus voulu parler à l'audiance. Deux détails pittoresques : quand le juge d'instruction voulut saisir la chemise que Perrot portait la nuit de sa mort, il ne la trouva pas. Comme il ne faut rien perdre, la jeune veuve avait fait avec cette chemise deux chemisespour sa petite fille. Quelques jours plus tard, le Parquet se transporta avec l'accusée dans la maison de Ploufragan, pour l'expertise. Le crâne de Perrot avait été exhumé; on l'avait monté comme un camée sur unebaguette plantée dans une ancienne fiole à curaçao, et ce sinistre trophée était posé sur la table, devant le lit où était mort Perrot. Afin de bien établir la posture des deux époux, un gendarme fut couché à la place du mari; Aimée Quérangal fut invitée à s'étendre près de lui, mais, craignant de froisser sa coiffe, qui était superbe, elle la retira et la plaça flegmatiquement sur le crâne de son mari, ne trouvant rien de plus commode que d'utiliser ce funèbre porte-manteau comme un champignon de modiste.

Un médecin, ami du vieux Quérangal, le grand-père de l'accusée (celui qui trompait le bourreau), donne quelques détails sur cet ancien percepteur de Saint-Brieuc, qui est mort octogénaire il y a trois ans. Quérangal était connu sous le surnom caractéristique de Trousse-Guenilles, car, disait-on, tous les cotillons lui étaient bons. Les gamins de la ville avaient l'habitude de le suivre en l'appelant papa. Il leur distrubuait des sous, et on est certain qu'il en reconnut plusieurs dont il n'était pas le père. Sa grande fortune se morcela entre tous ses héritiers. Aimée Quérangal et son frère reçurent chacun 25 000 francs. C'est de cette époque que datent l'assassinat de Simon et l'assassinat probable de Perrot. La soeur voulait se débarrasser d'un mari qui n'était plus àla hauteur de sa situation, pour épouser un amant de son choix. De même, Aimé Quérangal, condamné samedi pour l'assassinat de Simon, voulait épouser la veuve. Les deux procès sont curieux à rapprocher et à comparer.

Les dernières dépositions sont assez graves. D'abord, l'institutrice de Ploufragan, qui a élevé la fille de l'accusée, morte à dix ans, rapporte que l'enfant était inconsolable de la mort de son père et qu'elle sembalit avoir sur l'esprit un poids énorme. L'institutrice s'est longtemps demandé, quand l'enfant mourut, si la mère ne s'était pas débarrassée d'un témoin compromettant. (Mouvement.) Viennent ensuite trois camarades de la petite. M. le président Perrussel fait monter les enfants sur une chaise devant lui, il leur tient les mains et les interroge commeun bon papa.

- "Allons, ma petite, dit-il à chacune, ne pleure pas, tu n'as pas peur de moi, dis ? Tu n'as pas fait ta première communion, mais tu apprends ton catéchisme et tu sais que le bon Dieu défend de mentir. Il faut me dire la vérité."

La première, Marie Corlay, âgée de douze ans, dépose : "Ma camarade Emilie Perrot m'a dit bien souvent qu'elle pleurait parce que sa maman nepouvait plus souffrir son père. Elle menaçait de quitter la maison, car cela lui faisait trop de peine."

La seconde, Désirée Courtel, treize ans, se rappelle parfaitement que sa petite camarade lui a raconté qu'éveillée par le coup de fusil qui avait tué son père, elle avait entendu ensuite la porte s'ouvrir et quelqu'un sortir. (Sensation.)

Enfin la petite Jeanne Courtel, dix ans, a reçu de plus graves confidences encore. Emilie Perrot lui a dit un jour : "Maman ne dort plus la nuit depuis qu'elle a tué papa."

L'accusée, interrogée sur ce propos, ne se trouble point. "Sans doute,fait-elle, ma petite fille aura voulu dire au contraire que son papa avait essayé de m'étrangler avant de mourir." (Mouvement divers.)

16 février

Les médecins légistes assignés par l'accusation font leurs dépositions. M. le docteur Fortmorel a une situation bizarre dans ce procès. Il était médecin de l'accusée, et il a dû se faire relever du secret professionnel. Il déclare qu'il croit impossible que Perrot ait pu se suicideret conclut à un homicide. Le docteur Buffé, médecin major du 71e régiment de ligne et M. Ourradour, armurier au même régiment, confirment lesconclusions du docteur Fortmorel.

Le docteur Lefeuvre, professeur d'anatomie à la faculté de Rennes, cité par la défense, conclut à la possibilité du suicide. Le lit de Perrotest apporté à l'audience; un gendarme de bonne volonté s'y couche et simule le défunt. Aimée Quérangal s'étend près de lui et rectifie la position de son pseudo-mari. Il faut que le pauvre diable de gendarme prenne tout à fait la posture de Perrot mort. L'accusée l'y aide et finit par dire avec satisfaction : "C'est sinistre et grotesque à la fois."

Enfin la parole est donnée à M. le procureur de la République du Breuil, puis à l'avocat, Me Rioche, qui combat avec beaucoup de verve et de bon sens les preuves purement morales qui pouvaient subsister contre sacliente. Le défenseur fait justice des propos de commères auxquels le président des assises avait donné à l'audience une importance comique :en résumé, jamais affaire judiciaire ne fut plus mal étayée.

Les jurés rapportent, après une brève délibération, un verdict de non-culpabilité. C'était indiqué.

Aimée Quérangal des Essarts, acquittée, est mise en liberté sur le champ.
 

née le 26 juillet 1852 à Ploufragan (22)
décédée ca 1880
Profession : ménagère

Enfants avec le conjoint :
Emilie Marie PERROT  née le 21 avril 1870 à Ploufragan (22), décédée le 30 octobre 1880 à Ploufragan (22)Problème sur le rang
Toussainte Mathilde PERROT  née le 10 octobre 1874 à Ploufragan (22)Problème sur le rang
Ré-organisation des rangs



Frères et soeurs :
Marie Jeanne PERROT  née le 20 décembre 1818 à Ploufragan (22), décédée ca 1878  
Pierre Aimé PERROT  né le 14 avril 1821 à Ploufragan (22), décédé ca 1877  
Hélène Yvonne PERROT  née le 24 août 1823 à Ploufragan (22) 
François Jacques PERROT  né le 27 mai 1826 à Ploufragan (22) 
Jacques Marc PERROT  né le 27 décembre 1828 à Ploufragan (22), décédé le 23 novembre 1886 à Ploufragan (22) 
Jean Marie PERROT  né le 9 janvier 1832 à Ploufragan (22), décédé avant le 30 octobre 1887 à Ploufragan (22) 
Oncles et tantes
Cousins et cousines
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